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Visionnaire de l'invisible
La littérature

‘‘La Tentation du christianisme‘‘
Luc Ferry
(Grasset 2009 / Le livre de poche)

 

 

Dans l'empire romain, la christianisme a séduit

 

La tentation du christianismeLA TENTATION DU CHRISTIANISME de Luc Ferry et Lucien Jerphagnon est un passionnant petit bouquin. Attention ! Son sujet n’a rien à voir avec les « péchés mignons » du christianisme, comme on pourrait le laisser croire son titre. Il s’agit au contraire de mettre en lumière la « tentation », la « séduction », que le christianisme a fini par exercer dans cet empire romain, tout imprégné de culture grecque, qui avait commencé par le voir d’un mauvais œil, jusqu’à le persécuter parfois. « Comment le christianisme a-t-il fait pour passer du statut de secte à celui de civilisation ? » (p.10) : voilà la question.

La réponse tient dans une conférence à deux voix, donnée en Sorbonne le 16 février 2008, à l’initiative du Collège de Philosophie : Pourquoi le christianisme ? du point de vue des Romains, par L. Jerphagnon (p.13-41) ; puis, Pourquoi la victoire du christianisme sur la philosophie grecque ? par L. Ferry (p.43-105). Pour finir, un dialogue avec la salle (p.107-120).

N’ayez pas peur de tomber sur des explications alambiquées en langage ésotérique. Les deux auteurs réussissent la prouesse de nous faire entrer dans des choses essentielles avec une grande simplicité. C’est dire à quel point ils dominent leur sujet. Jerphagnon est plus concis, son exposé se déroule sans un accroc, limpide. L’exposé de Ferry, moins ciselé, moins mûri, revient plusieurs fois sur les mêmes choses ; mais cela ne nuit en rien à la compréhension.

La religion des Romains était une religion de la cité : l’essentiel était d’exécuter scrupuleusement tous les rituels afin que les dieux continuent à veiller sur l’Empire, qui leur devait son succès. Les chrétiens ont scandalisé : « L’inadmissible, c’était d’entendre ces chrétiens soutenir qu’il n’y avait de dieu que Christus » (p.26). Sacrilège qui faisait vaciller les fondements de la cité. Cependant, ces chrétiens rejoignaient en même temps une attente cachée : « cette religion-là » impliquait « l’être humain tout entier, corps, âme, esprit, et pas seulement le citoyen, comme c’était l’usage depuis toujours. » (p.28-29). Elle correspondait, chez les personnes, à un manque existentiel (« affectif », dit Jerphagnon, de manière peu heureuse, p.31). On trouvera de très belles pages à ce sujet. Jerphagnon se qualifie d’« agnostique mystique » (cf. p.108), en ce sens qu’il est réfractaire à toute formulation dogmatique : sans doute lui a-t-il fallu se débarrasser de tout un fatras de ‘savoirs’ pour entrer dans le cœur de l’expérience chrétienne… en tout cas, il nous le donne à percevoir de fort belle façon.

La philosophie grecque apparaît comme « la version laïque ou rationalisée [« sécularisée »] de la mythologie » (p.42), qui apportait une réponse à la question du salut [le lecteur aura toute chance de se régaler au décodage de la Théogonie d’Hésiode et de l’Odyssée d’Homère]. Le monde n’est pas un « chaos » mais un « cosmos », « un monde organisé, harmonieux, juste, beau et bon ». Cet « ordre », c’est du « divin » car il a « quelque chose qui dépasse les humains : ils le découvrent, ils ne l’inventent pas » (p.49). Le « salut » ne réside pas dans « une conquête à tout prix de l’immortalité » (p.54) ; « l’homme doit accepter la mort pour occuper la place qui lui revient » (p.57) dans le cosmos. Or le christianisme va « rompre radicalement avec ce message philosophique pourtant lucide et puissant » (p.57), d’une « rupture grandiose » (p.73). Le divin n’est plus « l’harmonie du monde », une « structure » : c’est une personne ; et, en plus, il s’est in-carné ! L’humanité n’est plus hiérarchisée par nature : « la dignité morale d’un être » ne se « confond » plus avec « ses talents naturels » : elle dépend « de ce qu’il en fait » (p.87-90). Le salut n’est plus une affaire de juste place dans le cosmos : il est « une affaire personnelle », « le Christ s’occupe de chacun d’entre nous » (p.94). Place à l’amour… Voilà « le cœur du cœur de la tentation chrétienne » (p.96), « sur les cœurs plus encore que sur les esprits » (p.104).

« C’est trop beau pour être vrai », répond Ferry à la salle (p.111). Redoutable interrogation, qui est celle de la révélation : une vraie nouveauté… qui pourtant met à jour la vérité de même de l’être. Puisant dans son expérience personnelle, Paul écrivait aux Corinthiens : « Nous annonçons ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme » (1Co 2,9). C’est un peu ce que semblent avoir expérimenté les Romains devenus chrétiens ; mais il resterait peut-être à préciser comment le « choc » de la rencontre avec l’Évangile vécu a fait office de révélateur pour eux-mêmes.

Ce petit bouquin sera fructueux, à n’en pas douter, pour ceux qui se demandent comment le message évangélique peut aujourd’hui toucher un monde qui lui est devenu très étranger, voire hostile. Le passé ne se répète jamais ; mais il peut éclairer le présent. C’est même tout son intérêt.

 

On aussi peut trouver cette recension et bien d’autres sur  http://acf-nimes.cef.fr/livr/livr26.html

 

 

Janvier 2011
Jacques Teissier

 

 

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