Redécouverte de la Foi / Echos de la presse
DIEU SERAIT-IL UN LUXE SALUTAIRE ?
LA CROIX du 24 décembre 2010
« Dieu est un luxe » : tel est le titre d’un entretien avec la psychanalyste Marie Balmary, recueilli par Élodie Maurot et publié par le journal La Croix en date du vendredi 24 décembre 2010.
« Cette phrase résonne très fortement dans une époque marquée par l’utilitarisme », note Élodie Maurot, qui fait remarquer avec finesse combien « les chrétiens aussi sont parfois tentés de proposer un Dieu ‘utile’… » Il est vrai que, sous le règne de l’ultralibéralisme et du dieu-argent, nos sociétés mettent au premier plan l’utile, le rentable, le fonctionnel ; à tel point que cette mentalité imprègne tout le monde sans qu’on n’y prenne garde, comme l’air que l’on respire.
« Laïcité [et sécularisation] aidant, nous pouvons enfin découvrir, redécouvrir, que nous n’avons pas ‘besoin’ de Dieu… Le luxe commence là où s’arrête le besoin… La première chose que Dieu fait devant les vivants, c’est de les bénir, de faire leur ‘éloge’, comme dit la traduction grecque [du livre de la Genèse]. Voilà une parole qui ne sert à rien ! approuve Marie Balmary. Méfions-nous de ce qui sert : c’est aussi avec ce mot que l’on fait servage et servitude… Le Dieu luxe est du côté de l’émerveillement. »
Voilà des paroles qui prennent encore du relief si l’on se souvient, avec Mgr Joseph Doré [La Croix du 23 décembre 2010], que « le véritable adversaire » que Jésus reconnaît à son Père, « c’est l’argent ». Non pas l’argent en-soi, mais l’argent en tant que premier moteur de la vie, sociale ou/et personnelle : « Je savais cela, continue Mgr Doré, mais je n’avais pas réalisé à quel point cela est vrai dans le monde, parfois aussi dans l’Église. Jésus ne désigne pas d’autre adversaire. Et comme pasteur, j’ai pu effectivement vérifier que l’argent est effectivement le seigneur des temps modernes. »
Eh bien je trouve que ces remarques fortes mais, somme toute assez classiques, pourraient profondément nourrir, et peut-être transformer, notre regard sur ce monde décrié et mal dans sa peau qui est le notre.
L’homme ne peut pas vivre que de fonctionnel et d’argent ?... Il étouffe si on ne lui propose rien d’autre pour inspirer son existence ?... Mais alors, de ces jeunes adultes peu motivés par le travail à outrance jusqu’à ces drogués désespérés, en passant par ces adolescents abîmés dans les jeux hyper violents du monde virtuel, nous pourrions accueillir et regarder autrement les comportements étranges, déroutants, choquants, iconoclastes, violents parfois, de tant de jeunes et d’artistes actuels : n’exprimeraient-ils pas une soif, une attente d’autre chose ?
S’il est vrai que Dieu est un luxe, peut-être nous parle-t-il plus fortement à travers ces comportements hors-normes qu’à travers tant de vies bien ordonnées ou tant de prières convenues. Déjà, le Pharisien de la parabole (Luc 18, 9-14) se vantait de « n’être pas comme le reste des hommes », et c’est à travers le publicain dédaigné que Dieu montrait son vrai visage…
Il me semble que avons plus et mieux à faire qu’à nous laisser enfermer dans des jugements immédiats : que nous avons à porter sur notre temps un regard évangélique, animé par l’Esprit, qui nous fasse communier à ses soifs profondes et discerner en filigrane le visage de notre Dieu… luxe !
Nouveaux horizons ?...
Février 2010 Jacques Teissier
QUAND « LES AUTRES » NOUS PARLENT DE JÉSUS
LA CROIX du 23 décembre 2010
Dans son numéro du 23 décembre 2010, sous le titre de « Jésus est encore plus homme que nous ne l’imaginons », La Croix faisait paraître un fort intéressant entretien avec Mgr Joseph Doré, archevêque émérite de Strasbourg, recueilli par Dominique Greiner.
Depuis 1977, Joseph Doré, prêtre de Saint-Sulpice, alors professeur de christologie à la faculté de théologie l’Institut catholique de Paris, dirige la collection Jésus et Jésus-Christ (Éditions Mame-Desclée), qui va bientôt faire paraître son 101e et dernier volume. La figure de Jésus y est passée au crible des regards les plus divers : croyants ou non, chrétiens ou non, théologiens ou philosophes de sensibilités diverses, etc. Archevêque de Strasbourg de 1997 à 2006, Mgr Doré a pu en quelque sorte vérifier sur le terrain les intuitions qui l’animaient. Celles-ci se trouvent encore confirmées par l’étonnante profusion actuelle des livres sur Jésus et sur les origines du christianisme.
Comment se fait-il que Jésus intéresse encore, à l’heure où l’Église est tellement décriée ? Le « fait historico-social chrétien » est « indéniable ». Jésus a laissé dans l’histoire humaine des traces majeures ; en particulier, « le judéo-christianisme a contribué d’une manière inégalée à souligner la valeur de toute personne humaine, en accordant même un privilège aux petits et aux pauvres. » « Tant qu’on sera soucieux de l’humain dans l’homme, il y aura de l’espérance dans l’humanité », souligne Mgr Doré : la figure de Jésus intéresse notre époque en quête d’espérance, dans la mesure où, à son contact, émerge en l’homme une certaine qualité de l’humain. Cette attente m’interroge comme chrétien, comme prêtre, et, me semble-t-il, nous interroge tous : « à partir de ce que je vis et que j’essaye de traduire dans mes engagements », puis-je dire comment mon compagnonnage avec Jésus me rend plus humain ? « Je te dis ceci, à toi qui es là. Tu feras ce que tu voudras de cette parole. C’est ainsi que Jésus procédait. Et on ne parle bien de Jésus qu’en étant fidèle à ce qu’il était, disait, faisait. »
Que peut signifier le fait que des chrétiens puissent s’intéresser à ce que d’autres qu’eux-mêmes perçoivent et disent de Jésus ? « Même si, dans la foi, nous tenons Jésus comme Fils de Dieu et sauveur, nous devons prendre au sérieux ce que peuvent nous dire à son sujet ceux qui ne le confessent pas comme Christ. » Pourquoi ? Mais parce que « Jésus est encore plus homme que nous ne l’imaginons, et donc, l’histoire a quelque chose à nous dire », quelque chose de précieux même si elle ne dit pas tout ! « Jésus a logé toute sa divinité à l’enseigne d’une condition humaine intégralement vécue, c’est-à-dire comportant l’inévidence de Dieu. Lui aussi a vécu dans la foi. » « Il y a des manières d’affirmer la divinité de Jésus qui ne sont pas véritablement chrétiennes, puisqu’elles court-circuitent sa condition humaine. » Nous intéresser à ce que « les autres » nous disent de Jésus et l’accueillir, c’est en quelque sorte une garantie de notre fidélité à son humanité, et donc à notre foi. Je connais un certain nombre de ces « autres » qui s’intéressent à Jésus ; mais est-ce que je sais ce qui les intéresse chez lui ? Je ne suis pas certain de m’y être directement intéressé et de pouvoir le dire…
Et si c’était Jésus lui-même qui s’adressait à nous, pour vivre de lui aujourd’hui, quand « les autres » nous parlent de lui ?… « Dieu ne surplombe pas les choses du haut du ciel, mais se fait petit enfant. Oh, oui ! quelle élégance. »
Photo de Frédéric Maigron extrait de l'article La Croix
Février 2011 J. Teissier