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Visionnaire de l'invisible
La littérature

'Les nouveaux défis de l’inculturation’
Achiel Peelman
(Lumen Vitae 2007)

 

L’inculturation, audacieuse aventure humaine
         


 Achiel Peelman, professeur à la faculté de théologie de l’Université Saint-Paul (Ottawa) fait le bilan théologique du concept d’inculturation dans son ouvrage Les nouveaux défis de l’inculturation paru en 2007 chez Lumen Vitae / Novalis. L’auteur est bien placé pour faire ce bilan car il est un spécialiste de Urs von Balthasar et de la spiritualité amérindienne.

Dans un premier chapitre, l’auteur relève les nouveaux défis de l’inculturation. La majorité des chrétiens vivent désormais en dehors de l’Occident. Pour beaucoup d’entre eux, ce phénomène est reçu comme un ‘signe des temps’ en vue d’une réflexion sur le rapport dynamique entre la foi chrétienne et les personnes et les communautés qui accueillent l’Evangile du Christ comme nouveau chemin de vie.

L’inculturation est un concept difficile à appréhender. Jean-Paul II a voulu que l’Eglise prenne plus au sérieux la culture car pour lui l’homme vit d’une vie pleinement humaine grâce à la culture, définissant l’inculturation comme étant « l’incarnation de l’Evangile dans les cultures autochtones et, en même temps, l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Eglise. »

L’inculturation est pour l’auteur une véritable aventure humaine : « Plutôt que de recevoir un Dieu ‘préfabriqué’ d’en haut par un quelconque magistère infaillible, nous sommes désormais invité à voir comment ce Dieu est présent au cœur de notre vie. Nous sommes invités à trouver les traces de ce même Dieu dans un monde où l’Eglise n’existe pas encore ou dans un univers spirituel ou elle n’existe plus et où elle essaie de se réinventer. Il importe de mettre en valeur cette dimension mystique, rarement affirmée, du processus de l’inculturation. » (p.31) Il s’agit d’une nouvelle vision de la mission car c’est le devoir fondamental de l’Eglise missionnaire de rendre possible dans chaque culture ce qui s’est réalisé de façon unique et indépassable dans la vie de Jésus de Nazareth.

Cette nouvelle vision de la mission peut interroger l’Eglise romaine et sa conception de la catholicité. Si la mission est centrée uniquement sur l’Evangile, on risque de courir vers une colonisation culturelle contrôlée par le magistère central de l’Eglise. Si on met trop l’accent sur la culture, on risque et de rendre l’annonce de l’Evangile prisonnière d’une culture et d’oublier que Jésus a critiqué sa propre culture et on perdrait de vue l’universalité de la Bonne Nouvelle. Il semble qu’il faut tenir trois éléments indissociables : le salut offert par Jésus n’est à la portée ni à la mesure d’aucune culture, le salut se réalise historiquement par des événements et dans une continuité, et il est destiné à tous les hommes et ouvert à toute culture. Ceux qui pensent à une culture chrétienne universelle et à la restauration de l’identité chrétienne contestent cette vision de la mission de l’Eglise.

Le deuxième chapitre analyse le défi que l’Eglise du 21ème siècle va être appelé à relever, le défi de la diversité en faisant face au risque du relativisme et du syncrétisme. Pour ne pas passer à côté de ce défi, une nouvelle exigence s’impose à chaque Eglise locale : entrer en dialogue avec les autres Eglises locales tout en restant en pleine communion avec l’Eglise qui est à Rome ; entrer aussi en dialogue avec le milieu dans lequel elle est vit sa mission. Ce sont à ces deux conditions que pourra se réaliser la mission comme une fécondation mutuelle de la foi chrétienne et de la culture. « Le dialogue et le partenariat deviennent les nouveaux mots clés de la mission. » (p. 79)

Le troisième chapitre analyse la nouvelle mission de l’Eglise face à la rencontre du monde en pleine évolution culturelle. L’auteur insiste pour noter « que la participation de l’Eglise à la transformation du monde ne sera efficace que dans la mesure où elle sera prête à se laisser transformer elle-même par son écoute du monde contemporain. » (p.101). Vu l’évolution du monde souvent sous un mode dramatique, l’auteur approfondit le thème de l’inculturation en le liant à la libération Elle peut de son côté participer à l’humanisation du monde en apportant ses propres richesses : une expérience de la sagesse, défendre le droit pour chaque personne de participer à l’avenir de leur monde, défendre et promouvoir le droit de chacun d’avoir son propre milieu de vie et servir la paix en promouvant le dialogue entre les cultures et les religions.

Le quatrième chapitre traite du pluralisme religieux. Ce pluralisme invite l’Eglise à repenser la présence de Dieu dans l’histoire des hommes, à repenser les approches de l’unicité du Christ et de la signification universelle de ‘l’évenement-Christ’, à repenser la question de la nécessité de l’Eglise comme signe et sacrement du salut. Vaste chantier. Nous ne pouvons que recommander aux lecteurs de ‘Esprit et Vie’ de lire ce chapitre qui a la qualité d’être clair alors qu’il s’agit d’une question bien difficile et âprement discutée aujourd’hui.

Enfin, le cinquième chapitre aborde l’inculturation en tant qu’aventure spirituelle. L’auteur met en évidence que Jésus a surtout réalisé sa mission presqu’exclusivement en Galilée mais que sa parole et ses gestes avaient une dimension universelle. Il présente ensuite Paul comme pionnier de l’inculturation et Jean comme le mystique de la mission. Ce qui guide l’auteur dans sa recherche sur la dimension spirituelle de l’aventure de l’inculturation est la réflexion de Karl Rahner : « Le chrétien pieux de demain sera un ‘mystique’, c’est-à-dire quelqu’un qui a ‘expérimenté’ quelque chose ou il ne sera plus…’ (p. 182) D’où la place donnée à l’Esprit dans cette aventure spirituelle.

Au terme de cette recherche, l’auteur présente l’inculturation en ces termes : « L’inculturation est le mystère de la rencontre toujours actuelle de l’Evangile et les cultures qui l’accueillent … toute inculturation authentique aboutit à une réponse créatrice et inédite à la proclamation de l’Evangile. » (p.185 et 210)

Le grand mérite de ce livre est sa clarté. Avec l’auteur, le lecteur se met à l’écoute des recherches actuelles tant dans le continent américain que asiatique et européen sur une nouvelle façon pour l’Eglise de vivre la mission dans un monde multi culturel et multi religieux.

On peut regretter que l’auteur n’ait pas consacré une chapitre sur la façon dont Jésus s’est situé dans la culture de son peuple, ce qui l’a nourri pour partager sa vie de Fils de Dieu, frères de tous les hommes, ce qu’il a mis en cause pour exprimer plus profondément et plus justement la vérité de Dieu et de l’humanité.


L'article de l'éditeur

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