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Visionnaire de l'invisible
Le Cinéma

 

Soleil de plomb
Réalisateur : Dalibor Matanic
Sortie : 30 mars 2016

 

 

Affiche du film : Soleil de plomb

      En Dalmatie en 1991, au bord d’un lac paradisiaque, sous le soleil de l’été, les jeunes Jelena et Ivan se préparent à partir tenter leur chance à Zagreb, dès le lendemain. Mais des files de jeeps remplies d’hommes en uniforme envahissent la campagne. Les deux amoureux, originaires de deux villages voisins, sont respectivement Serbe et Croate ; leur liaison est très mal vue par leurs deux communautés sous tension. La guerre est sur le point d’éclater et les deux jeunes gens vont avoir de très sérieux problèmes. En 2001 et en 2011, deux autres histoires d’amour se nouent, également soumises au tourbillon de l’Histoire… Pour Dalibor Matanic, Soleil de plomb est une célébration de l’altruisme et de l’amour, qui représentent ce qu’il y a de plus beau dans la nature humaine, mais qui peinent à triompher sur notre terre. Le film fait partie de la Trilogie du Soleil, que le cinéaste veut poursuivre avec son prochain long-métrage annoncé, l’Aurore. Soleil de plomb a obtenu le Prix du Jury d’Un Certain Regard, lors du dernier festival de Cannes.

1991, 2001 et 2011 : trois visages de la Croatie (avant la guerre contre la Serbie jusqu’à l’après-guerre) pour trois histoires d’amour, blessées par la guerre et la haine ethnique, sans lien entre elles mais jouées par les mêmes acteurs et dans les mêmes lieux. Stimulante en soi, cette idée narrative est ici déroutante, car elle est donnée sans explication préalable. D’où un Soleil de plomb  qui peut sembler plus pesant que lumineux. Si le film est, en définitive, une réussite, il le doit en grande partie à ses interprètes, Goran Markovic et surtout Tihana Lazovic, qui passe de la provocation adolescente dans la première histoire, à la claustration mentale dans laquelle se débattent les personnages.

Ces trois histoires correspondent à trois âges des relations serbo-croates, Soleil de plomb met en scène les tensions de deux peuples ennemis confrontés à la pulsion amoureuse qui peut attirer deux personnes l’une vers l’autre. Dalibor Matanic réussit un film politique d’une grande sensualité, qui porte un regard charnel sur la situation des Balkans. Trois histoires d’amour qui, tout à tour, tournent mal, sont troublées ou au contraire sont ouvertes, dans  un même territoire, tout à tour, militarisé, politisé, puis apaisé. Cet agencement, qui change en permanence les positions entre les acteurs (les nationalités, les caractères, les relations désirant-désiré), troublent la perception de la situation de chacun et renforce le sentiment d’une situation absurdement tragique. Le film illustre aussi une évolution historique qui s’est dénouée par une ouverture culturelle plus européenne, un rapport à l’autre plus personnel et plus festif.

Le conflit interethnique est filmé dans une incarnation particulièrement sensuelle, qui fait la véritable force du film. La tension amoureuse s’exprime sous la forme d’une sensualité sourde, d’un étouffement des tempéraments sous pression. On sent la tendresse, l’attraction et  la répulsion mutuelles des personnages à de petits détails de mise en scène. L’élan intérieur des personnages l’un vers l’autre, étouffé par les frontières politiques, historiques et sociales, se dévoile par des regards obliques, des embrassades, une transpiration moite. Il est construit sur un jeu d’attraction-répulsion, dans le petit huis clos d’une maison rurale à retaper, où la haine et l’interdit nourrissent une pulsion sexuelle d’une rare intensité. Au-delà du face-à-face amoureux, le réalisateur décrit les Balkans, enrobés par le souffle chaud de l’été,  qui attire l’attention sur les lieux : un panorama apaisant, la torpeur estivale d’une cabane, la longueur d’une route au soleil - comme si le territoire tout entier était pétri par cette tension interne qui anime les personnages. Une très belle scène est réinterprétée à trois reprises, celle d’un bain dans le lac, où les corps nus, coupés en deux par la ligne de flottaison, sont déformés d’un côté par l’eau et dorés de l’autre par le soleil. Ce moment, d’une plénitude profonde, est à image du film : suave, fracturé et brûlant.

Comme le suggère Arnauld Schwartz dans sa critique du journal La Croix : ‘’On croit la jeune génération de 2011 plus apaisée, apte à dépasser l’entre dévoration des parents devenus fous. Mais quels liens retisser après un tel reflux d’humanité? Beaucoup de cris  et de souffrances expriment une insondable colère rentrée, un poids si lourd à porter. La recherche frénétique d’un plaisir immédiat, qui s’exprime dans le troisième récit, répond davantage à la volonté d’ensevelir la mémoire plutôt que de l’affronter.’’

Cette histoire en trois temps est tissée de sourdes tensions, éprouvantes pour les nerfs, dans ces paysages sereins, reflets des âmes aimantes, baignés d’une lumière dorée. Ce très beau film sur les démons de la haine et les combats de la vie et de l’amour, mérite attention. Soleil de plomb est le premier panneau d’un triptyque à venir dont on attend beaucoup.

 

 

 

Claude D’Arcier - Juin 2016

 

 


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